Maurice Duplay 1738-1820
Maurice Duplay introduction
Le texte suivant, présentant Maurice Duplay est de son petit-fils, Philippe Le Bas ( 1794-1860). Il provient de son dictionnaire historique, (tome 6 page 920). Dans une lettre destinée à Lamartine, Philippe Le Bas fit le reproche au célèbre poète de n’avoir pas consulté cet article pour son Histoire des Girondins, alors qu’il lui avait offert un exemplaire de ce dictionnaire ( lequel comprend quatorze volume). Seuls les sous titres ont été rajoutés.
Texte de Philippe Le Bas (1794-1860)
Avant la Révolution
Maurice Duplay, né en 1738, à Saint-Didier-la-Séauve (Haute-Loire), vint de bonne heure à Paris, où il exerça la profession de menuisier. Protégé par madame Geoffrin, qui avait pour lui une estime qu’il méritait, il acquit, par quarante années de travail, une fortune d’environ quinze mille livres de rente en maisons. Il n’était donc pas, quand éclata la Révolution, dans la classe trop nombreuse de ces gens qui, ne possédant rien, désiraient des troubles pour s’enrichir. Et cependant il adopta avec enthousiasme les principes démocratiques. C’est que sa probité à toute épreuve, ses mœurs pures et sévères le portaient à regarder comme possible l’exécution de ces idées de vertu antique qui faisaient alors battre tant de cœurs honnêtes, c’est qu’il prenait au sérieux les projets de réformes sociales, c’est qu’il était prêt à faire avec joie bien des sacrifices personnels à ce qu’il regardait comme un acheminement au bonheur public.
Robespierre
Le jour où le drapeau rouge fut déployé et la loi martiale proclamée au Champ-de-Mars, le bruit se répandit que les membres les plus influents du parti démocratique, et notamment Robespierre, allaient être arrêtés. Duplay, qui avait conçu une profonde admiration pour celui que le peuple avait surnommé l’incorruptible, lui fit offrir un asile dans sa demeure. Maximilien accepta, et fut amené nuitamment dans la maison qu’occupait, rue Saint-Honoré, (par) le citoyen généreux qui allait devenir son hôte et son ami. Le député d’Arras, touché de l’accueil bienveillant et cordial que lui fit l’homme respectable qui s’exposait pour le sauver, séduit par le spectacle d’une famille dont les mœurs patriarcales contrastaient avec la corruption de l’époque, se sentit pris d’une vive sympathie pour Duplay et pour tous les siens, et accepta avec empressement la proposition que l’honnête menuisier lui fit, quelque temps après, de regarder sa demeure comme la sienne propre. Depuis lors, jusqu’au dernier jour de sa vie, il ne cessa plus d’être son commensal. Bientôt la douceur de son caractère, la facilité de son commerce, la bonté de son cœur lui attachèrent toute cette famille, où les uns voyaient en lui un fils respectueux, les autres un frère plein d’indulgence et d’affection. Tout le temps qu’il ne consacrât pas à ses devoirs publics, il le passait avec ses hôtes, auxquels il avait présenté quelques-uns de ses amis, Le Bas, Camille Desmoulins, Buonarroti, etc. Le Bas, amateur passionné de la musique italienne qu’il chantait fort agréablement, se faisait souvent entendre dans ces réunions intimes où Buonarroti tenait le piano. D’autres fois, la soirée était consacrée à la lecture des plus belles tragédies de Racine. Chacun choisissait un rôle et, parmi ces acteurs improvisés, c’étaient Maximilien et Le Bas qui déclamaient avec le plus d’âme. Le Bas conçut bientôt un vif sentiment pour la plus jeune des quatre filles de Duplay.
Thermidor
Le 9 thermidor, au soir, Duplay, sa femme et son jeune fils furent mis en arrestation à Sainte-Pélagie où madame Duplay, renfermée avec des femmes de mauvaise vie, après avoir été en butte aux traitements les plus odieux de la part de ces mégères, mourut le surlendemain d’une mort dont la cause restera sans doute à jamais un mystère. Quelques jours après, la veuve de Le Bas (voyez ce nom) et sa sœur aînée furent aussi incarcérées ; on n’épargna pas deux autres sœurs qui se trouvaient alors en Belgique ; et même des parents plus éloignés, qui n’avaient jamais vu Robespierre, furent enveloppés dans la proscription. Dix mois après, quand on mit en jugement l’accusateur public Fouquier-Tinville et les jurés du tribunal révolutionnaire, Duplay fut compris dans l’acte d’accusation. Certes, si sa conduite pendant la terreur eût offert la moindre prise, les réacteurs n’eussent pas manqué de frapper l’homme qui, pendant trois ans, avait reçu sous son toit celui dont ils avaient fait le bouc émissaire de la Révolution. Duplay ne pouvait donc compter sur leur indulgence ; eh bien ! dans le jugement qui statua sur le sort des trente-trois prévenus, quand le plus grand nombre d’entre eux furent condamnés à la mort, et quelques-uns renvoyés de l’accusation, non sur le fait, mais sur la question institutionnelle un seul fut acquitté sur le fait, un seul fut déclaré n’avoir pris part, ni comme auteur ni comme complice, aux crimes imputés au tribunal : c’était Duplay, l’ami de Robespierre, que la force de son innocence faisait ainsi mettre hors ligne.
Babeuf
Deux ans environ après cet acquittement Babeuf, conspirant contre le Directoire, s’avisa de mettre sur ses listes, en qualité de ministre des Finances, le fils de Duplay, alors âgé de dix-sept ans, et tout occupé de ses études de droit. Cette insigne folie valut à Duplay et à son fils, qui n’avaient jamais eu aucun rapport avec le chef du complot, une seconde détention de quatorze mois. Nous ne dirons point que tous deux furent acquittés à l’unanimité et de la manière la plus honorable : l’absurdité de l’accusation a dû le faire pressentir, mais nous devons dire qu’ils ne prirent part à aucune des récusations par lesquelles le plus grand nombre des accusés cherchaient à éterniser l’affaire, et certes, il y avait bien quelque courage dans cette opposition.
Après la Révolution.
Rendu à la liberté, Duplay s’occupa de recueillir les débris de sa fortune.Lors de la dépréciation du papier monnaie, les débiteurs de Duplay, et notamment le gouvernement, l’avaient remboursé en assignats sans valeur. Il ne crut pas devoir s’acquitter de la même manière envers les personnes qui lui avaient prêté de l’argent, quoique les entreprises pour lesquelles il avait fait ces emprunts fussent devenues depuis si malheureuses par cet événement indépendant de sa volonté. Il vendit toutes ses maisons pour les payer en numéraire ; et il savait que cet acte de probité consommerait sa ruine. En effet, après avoir satisfait ses créanciers, il conserva à peine douze cents livres de rente de quinze mille qu’il avait possédées. Le fils de Duplay, entré, vers cette époque, comme expéditionnaire dans les bureaux de l’administration centrale du département de la Seine, est parvenu de grades en grades, tous gagnés par son travail, aux fonctions d’administrateur du domaine des hôpitaux et hospices de Paris, qu’il occupe depuis 1814, et où il a rendu d’éminents services, heureux de partager le fruit de son travail avec son vieux père qui est mort dans ses bras, en 1820, avec le calme que laissent, au moment suprême, une conscience pure et une vie irréprochable…
Saint-Didier-en-Velay
Comme l’indique le document de Philippe Le Bas, les Duplay étaient originaire du Velay, précisément de Saint-Didier-la-Séauve, commune qui porte aujourd’hui le nom de Saint-Didier-en-Velay. Cette commune porte toujours le souvenir de Maurice Duplay. Ainsi, la chaire à prêcher de l’église Saint-Didier, serait l’œuvre de Maurice Duplay, selon M. Jean-Jacques Barlet, président de l’association Généalogie Patrimoine Désidérien. Un projet de restauration de cette chaire serait en projet.