Jacques Maurice Duplay (1777-1847)

Présentation

Jacques Maurice Duplay (1777-1847)  est le plus jeune  l’unique garçon des quatre enfants de Maurice Duplay (1738-1820) et de Françoise Eléonore Vaugeois (1735-1794). Il était donc précédé dans fratrie par trois soeurs : Eléonore Duplay (1768-1732), Sophie Duplay (1769-1842), Victoire Duplay ( 1771-1797), et enfin Elisabeth Duplay (1772-1859).   Maximilien Robespierre avait affectueusement surnommé Robespierre « le petit patriote ». Comme nous le verrons un peu plus bas en examinant son inventaire après décès, Jacques s’est marié très jeune, au printemps 1794, avec une cousine Jeanne-Marie Duplay, la soeur cadette de Simon Duplay. A la même période il aura accompagné son beau frère Philippe Le Bas,  le Conventionnel aux armées  du Nord,  nous sommes informé de son périple, dans la correspondace du conventionnel Le Bas à son épouse Elisabeth la soeur de Jacques. En thermidor il sera incarcéré comme le reste de sa famille, il devra supporter en prison,  outre les affres de la réaction thermidorienne et  les délires de certains libelles infamants qui lui vallèrent  à son arrivée en prison d’être quafifié de « Ganymède de Robespierre » Voici comment il évoque lui même cette période mémorable de sa vie dans une note de reproduit par Stéfane-Pol[1]

Jacques Duplay  vu par lui même.

En 1789, j’avais onze ans, j’étais au collège d’Harcourt ; j’y suis resté jusqu’à sa suppression puis j’ai continué mes études à la maison, sous la direction de M. Gilles ancien maître ès-art de l’université, écolier jusqu’en 1794, j’eus envie de voir l’armée ; un de mes beaux-frères, député (Le Bas), m’y emmena en qualité de copiste. J’ai assisté à quelques affaires ; j’ai copié quelques dépêches, et à mon retour, c’est-à-dire un mois environ après mon départ, je fus placé en qualité de commis, à la commission ministérielle de l’instruction publique.

J’avais seize ans quand le 9 thermidor arriva. Je fus mis en prison avec toute ma famille et y restai un an… En sortant de prison, j’entrai dans le notariat et je commençai l’étude du droit. Peu de temps après, Babeuf, qui apparemment me connaissait bien, me plaça sur ses listes en qualité de ministre des Finances. Le ministre des Finances avait dix-sept ans et demi, et tout occupé qu’il était du Traité des obligations de Pothier, il n’aurait pu faire sans fautes une addition un peu chargée.

Le Journaliste

À 24 ans, Jacques se confronte au métier de journaliste et d’éditeur, et lance un titre L’Indiscret avec deux de ses amis, J-M. Lafolie et B. Rousseau. Ce journal est officiellement créé le 1er vendémiaire an X.

Il sera très éphémère, son positionnement était trop subtil pour rencontrer un large public. Il se refusait à commenter la politique, le théâtre, la littérature ou proposer des distractions, il se proposait de décrire la société à travers les portraits de ceux qui la compose.

Extrait de l’indiscret  

On trouve dans toutes les classes de la société des caractères originaux ; il y a dans les mœurs de chaque famille, un côté plaisant : les systèmes, les opinions bizarres, les faux raisonnements se logent dans la tête de tous les hommes, les plus grands esprits ont des petitesses ridicules, les petits génies ont des idées justes et grandes. Ce sont toutes ces nuances que je m’efforcerai de saisir, je tâcherai de les fondre en des portraits agréables et ressemblants : mon indiscrétion n’épargnera pas mais ne compromettra personne[2].

Une longue carrière aux hospices de Paris

Après ce court intermède journalistique qui prouve, néanmoins que Jacques Duplay  avait un réel talent littéraire, il entre dans l’administration et fera une remarquable carrière aux Hospices de Paris. Il saura mettre à profit, dans cet environnement, ses qualités humaines, sa générosité et son désir d’aider son semblable. À ce titre, voici l’éloge important qui lui est fait, à son décès, dans le Journal des débats :

L’administration générale des hospices de Paris vient de perdre un de ses membres les plus distingués, les pauvres un serviteur habile et dévoué. Après un demi-siècle des plus honorables services, M. Duplay, administrateur du domaine, a succombé, ainsi que nous l’avons annoncé dans un de nos derniers numéros, à une courte maladie à laquelle n’étaient étrangères ni les sollicitudes d’une gestion vaste et compliquée, ni les fatigues d’un travail ardu et incessant. De nombreux amis, tous les employés de son administration, s’étaient réunis avant-hier pour lui rendre un dernier hommage ; hommage bien mérité, si les qualités de l’esprit et du cœur sont de justes titres pour l’obtenir, M. Duplay était de ces hommes sur qui l’attention doit naturellement se fixer. Ayant à peine fini ses études, il attira les regards d’un magistrat, M. Frochet, qui a laissé des souvenirs de talent, d’ordre, de science administrative, d’intégrité, de désintéressement. M. Duplay fut appelé par lui dans les bureaux de l’Hôtel-de-Ville, et il justifia de tout point la confiance honorable dont son extrême jeunesse ne l’avait pas empêché d’être l’objet. La capacité qu’il avait montrée, son intelligence des affaires, sa laborieuse application le désignèrent bientôt pour remplir l’importante place qu’il a conservée jusqu’à sa mort. Il y a rendu de grands services, bien que modestes et ignorés. C’est par ses soins que le patrimoine des pauvres a été porté à toute sa valeur. Que de vastes terrains vagues et improductifs ont produit de notables revenus, que divers marchés ont été créés dans Paris, que de successions considérables et embarrassées dévolues aux pauvres ont été assurées et liquidées. C’est par ses soins enfin que l’ordre le plus frappant, que l’exactitude la plus rigoureuse, que tous les développements utiles et profitables ont été apportés dans la branche de l’administration qui était confiée à son active et heureuse direction. M. Duplay était avant tout l’homme du devoir. Il s’y consacrait tout entier, et rien n’était capable de l’en distraire. Il y portait même un peu d’exagération, et il l’aurait dépassé presque quelquefois, dans la crainte d’y manquer. Homme instruit, esprit fin, ami des lettres qu’il cultivait pour se délasser dans quelques rares moments, il aurait pu aussi bien que d’autres se faire un nom par ses observations piquantes, par l’atticisme de son goût, par son remarquable talent d’écrire. Il a bien dû quelquefois en avoir la tentation il a su la dominer, et il a préféré à quelques rayons d’une vaine gloire la satisfaction sans éclat, mais plus douce et plus réelle, de servir ses semblables, en dédaignant de les amuser. Dans sa longue carrière administrative, M. Duplay eut des moments difficiles à traverser, et qui, dans ses fonctions toutes pacifiques, n’étaient pourtant pas exemptes de périls. Il eut à gémir en 1814 et 1815, sur les malheurs des deux invasions, il vit les ravages du typhus et il y fut exposé, il eut sa part aussi dans les embarras des disettes de 1816 et 1817. Les horreurs du choléra retentirent bien près de lui, et, quoique le plus lourd fardeau pesât moins sur lui que sur ceux de ses collègues qui administraient directement les hospices et les hôpitaux, il eut dans ces pénibles conjonctures, sa part de labeur, d’inquiétude et d’affliction. Il vit enfin des jours plus calmes ; mais s’il eut moins de soucis il n’en eut pas moins de fatigues, il n’en prit pas plus de repos. On peut dire de cet homme de bien qu’il est mort debout, sur la brèche, et que ses services n’ont cessé que lorsque tout ici-bas a cessé pour lui[3].

Cet article atteste et démontre, par son importance, la place qu’il occupe sur la deuxième page d’un des plus importants quotidiens de l’époque, que « le petit patriote » de Robespierre, était réellement devenu une personne importante, respectable et appréciée. 

Inventaire après décès

Son inventaire après décès, daté du 2 février 1847[4], nous apporte de nombreux renseignements sur lui-même et sur les autres membres de la famille Duplay. On apprend ainsi que Jacques Duplay a eu deux épouses (successives). Son premier mariage date de prairial an II et le contrat de mariage est daté du deuxième jour du mois. Son épouse est une cousine Duplay, prénommée Jeanne-Marie. Jeanne-Marie Duplay(1776-1828)  comme nous l’apprend son acte de décès est la fille du frère ainé de Maurice, Joseph Mathieu Mahturin Duplay (1727-1782) et de Marie Fournier, Jeanne-Marie est donc la soeur de Simon. Jacques,lors de son mariage n’avait donc pas 17 ans ; il est décidément précoce : marié à 16 ans, au même âge sur le front comme copiste avec son envoyé en mission de beau-frère, et même futur ministre des Finances sur les listes de Babeuf à l’âge de 17 ans et demi. Jacques aura des enfants avec sa première épouse, Jeanne-Marie, mais ils mourront tous avant leur père. Ainsi lors de son décès, il n’y a pas trace d’enfants, ni dans son testament, ni dans l’inventaire après décès avec sa seconde épouse, Marie Olympiade Eugénie Valdruche, sa veuve et requérante dans le cadre de l’inventaire[2], avec laquelle il s’est marié en 1830.

Immobilier

Dans ce même inventaire, il est à nouveau question de la maison de la rue d’Angoulême, citée comme vendue par son père dans l’inventaire de 1820. Il semblerait que ce soit le gendre de Maurice Duplay, l’avocat Antoine Auzat, qui ait racheté cette maison après thermidor, car nous apprenons, dans le présent inventaire, que Sophie Duplay, veuve Auzat, l’a donnée en héritage, à parts égales, à Jacques et à Éléonore. Un peu plus tard, en 1830, Jacques rachète sous forme de viager la part d’Éléonore qui ne décédera que deux ans plus tard. Cette maison est vendue en 1844. Une autre maison est achetée, visiblement de taille conséquente, au 25 quai Bourbon, sur l’Île Saint-Louis, pour la somme de 73 000 F, mais pas encore payée au moment du décès et de l’inventaire. Elle devait être entièrement payée le 1er février suivant. Aujourd’hui, cette maison, qui semble encore exister, vaudrait une véritable fortune. Toujours dans cet acte, on lit que Jacques Duplay, chevalier de la Légion d’honneur est toujours membre, et en activité, de la commission administrative des Hospices de Paris. Il était plus particulièrement chargé des Domaines, comme l’indique l’article précédemment cité du Journal des débats. En parcourant les archives de cette étude, celle de Maître Desprez, portant le nombre 1 parmi les études parisiennes, soulignant son importance et ancienneté, nous pouvons rencontré à mainte reprises le nom de Jacques Duplay, intervenant en tant que représentant des Hospices de Paris, dans les actes de donation à cette institution.

La Bibliothèque de Jacques Duplay

Comme son père Maurice, la bibliothèque de Jacques est conséquente, on n’y dénombre pas moins de 770 volumes. Une mention spéciale issue de son testament, détache ces livres de la part devant revenir systématiquement à sa veuve. Parmi les titres mentionnés, on retrouve beaucoup de livres déjà évoqués dans l’inventaire de son père. On trouve ainsi :

  • 108 volumes reliés et brochés dans divers formats, parmi les auteurs : Voltaire, Rousseau, La Bruyère, Alibert.
  • 62 volumes, dictionnaires et histoires naturelles, auteurs : Vallemon, Baffin, Bomare.
  • 74 volumes ayant pour auteurs Homère, Virgile, les Philippiques de Cicéron.
  • 57 volumes d’architecture, 3 cartons de plans et cartes.
  • 150 volumes d’œuvres de théâtre dont Corneille, Racine…
  • 50 volumes de théâtre également, mais les auteurs sont peu lisibles.
  • 150 volumes de romans.
  • 89 volumes d’histoire de France, Histoire universelle des hommes, Histoire amoureuse des Gaulles
  • 84 volumes :Guerres en France, Empire Ottoman, Conquête du Mexique…
  • 30 volumes de livres et brochures concernant les Hospices de Paris.

 

Le montant total estimé pour l’ensemble de ces livres n’est que de 512 F. En annexe, est reproduit un document sur un papier différent de cet inventaire ; il constitue une liste d’ouvrages qui semble être un extrait de cet ensemble.

En tout état de cause, cette bibliothèque confirme que Jacques Duplay était un homme très cultivé et fin et, comme l’indiquait le Journal des débats, Jacques Duplay aurait pu écrire s’il en avait eu le loisir.

Distributions diverses

N’ayant plus d’enfants encore en vie à l’heure de son décès, il distribue des sommes d’argent à ses neveux et nièces, mais aussi à des personnes qu’il souhaite récompenser par des rentes ; ainsi son ancienne employée de maison en est-elle gratifiée. Mais c’est envers Philippe Le Bas qu’il se montre le plus généreux en le gratifiant d’une somme de 10 000 F. Cet acte renseigne aussi sur le domicile de chacun, Philippe, sa mère et son demi-frère, Charles, se trouvent tous trois au 30 rue de Condé. La demi-sœur de Philippe, Charlotte Élisabeth, veuve Vautrin, est toujours à Rouen, gérante de l’hôtel du Nord, au 91 Grande Rue (future rue du Gros-Horloge), mais on en reparlera plus tard. On apprend qu’elle a au moins un fils, Charles Vautrin, qui reçoit la somme de 1 000 F de feu son grand-oncle.

Cet inventaire renvoie à d’autres actes notariés bien identifiés, comme l’ acte de mariage de Jacques Duplay ( malheureusement aux archives)  ou le contrat de vente avec sa sœur Éléonore de sa part dans la maison de la rue d’Angoulême. Ce dernier contrat pourrait donner des informations sur Éléonore ou, tout au moins, aider à identifier d’autres actes la concernant.

[1] Stéfane-Pol, Autour de Robespierre, Le Conventionel Le Bas, Paris, Ernest Flammarion », 1900, p. 76.

[2] Stéfane-Pol, De Robespierre à Fouché. Notes de police, Paris, Flammarion, 1900, p. 80-83.

[3] Journal des débats, 13 janvier 1847, p. 2.

[4] Archives nationales, Paris, MC/ET/I/1033.

Sépulture de Jacques Duplay

Jacques Duplay fut inhumé en la sépulture 61PA de 1818 de 34ème  Division du cimetière du Père-Lachaise le 22 février 1847.
Cette sépulture, C’est lui même qui l’avait acquise en 1818 en vue de l’inhumation de son fils Maurice Eugène le 7/04/1818, un enfant âgé de 13 ans.
Mais en  cette sépulture est  connue pour abriter son père Maurice Duplay, l’hôte et ami de Robespierre, inhumé le 2/07/1820, et surtout sa sœur Eléonore Duplay. Cette dernière éclipse à elle seule le nom des onze autres  occupants , au point que seul son nom figure sur la stèle mortuaire.  Cette stèle est qu’une copie à l’identique d’une stèle brisée très ancienne. La copie fut réalisée dans le cadre de l’action de restauration de la ville de Paris  en 1985 , au titre des sépultures présentant un intérêt artistique et/ou historique. La commission  d’architecture funéraire  justifie ainsi l’intérêt historique de cette sépulture :    La tradition orale considère qu’il s’agit de « la fiancée de Robespiere ».

Sépulture de Jacques Duplay
Sources de l'article

Les informations de cet article sont issue du livre de florent HERICHER  : Philippe Le Bas (1794-1860) Un Républicain de Naissance.
Vous trouverez dans cet ouvrage l’ensemble des références ayant trait à cette page.

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