Robespierre et Danton

Un montant exeptionel

218 000 €,

c’est le montant atteint d’une nouvelle vente aux enchères organisée par la société Osenat le 12 mars 2023, faisant sortir de la sphère publique un manuscrit remarquable de notre Révolution. Cette fois, il s’agit de l’emblématique lettre que Robespierre adresse à Danton le 15 février 1793. Ce dernier vient de perdre son épouse, Gabrielle, décédée en couches à Paris. En mission en Belgique à ce moment-là, Il est dévasté. Cette lettre, qui était l’unique correspondance connue entre Robespierre et Danton, est fort belle, pleine d’empathie, et de tendresse. Elle est aux antipodes de la présupposée inimitié et rivalité que l’on nous rabâche depuis 230 ans. En tout cas, elle doit inciter à nous interroger sur la complexité des rapports entretenus par ces deux figures majeures de notre Révolution, et dépasser ce cliché de deux frères ennemis.

Confiscation par les collectionneurs

Cette vente aux enchères est représentative de la confiscation par des collectionneurs de notre patrimoine historique. Dans le cas présent, nous pouvons au moins afficher ici cette lettre. Elle était connue et longtemps d’ailleurs exposée. Mais, dans d’autres cas, les plus nombreux, ce sont souvent des documents inédits qui sont révélés le temps d’une vente et disparaissent ensuite à jamais dans l’oubli.

La collection Le Bas

C’est le cas pour ce qui nous concerne des documents et manuscrits de la « collection Le Bas » nommée ainsi pudiquement par Paul Coutant allias Stéfane Pol. Ce dernier n’a eu de cesse de les brandir à travers ses écrits comme des trophées, tout en ne les présentant que partiellement, les trahissant probablement. Ces documents, en sa possession, constituaient l’héritage de son épouse, Elisabeth Clémence Grujon Le Bas (1863-1948), la petite fille de Philippe Le Bas de l’Institut (1794-1860), et donc l’arrière-petite-fille du Conventionnel Philippe Le Bas (1764-1794).
Parmi ces documents aujourd’hui inaccessibles figurent les emblématiques mémoires d’Elisabeth Le Bas née Duplay, les calepins et albums de Philippe Le Bas fils, illustrés par des caricatures de Prosper Mérimée, reproduits partiellement par Paul Coutant. Ces documents, du fait de leur valeurs marchandes potentiellement inestimables, dorment forcément chez des collectionneurs et apparaitront peut-être un jour dans d’hypothétiques ventes aux enchères à des prix abyssaux.

Garcin de Tacy

Exemple d’une carricature par Prosper Mérimée

 

Si de telles carricatures sont apposées comme le prétend Paul Coutant, il est certain que la valeur de ces carnets  est significative.

Mais revenons à la la lettre de Robespierre à Danton.

Le manuscrit

Lettre de Robespierre à Danton

La transcription

Mon cher Danton, Si dans les seuls malheurs qui puissent ébranler une âme telle que la tienne, la certitude d’avoir un ami tendre et dévoué peut t’offrir quelque consolation, je te la présente. Je t’aime plus que jamais et jusqu’à la mort. Dans ce moment je suis toi-même. Ne ferme point ton cœur aux accents de l’amitié qui ressent toute ta peine. Pleurons ensemble nos amis, et faisons bientôt ressentir les effets de notre douleur profonde aux tyrans qui sont les auteurs de nos malheurs publics et de nos malheurs privés mon ami. Je t’aurais adressé ce langage de mon cœur, dans la Belgique. J’aurais déjà été te voir si je n’avais respecté les premiers moments de ta juste affliction. Embrasse ton ami. Robespierre.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *